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La SNCF ou la chronique d'un alcoolisme annoncé
27 février 2012

Le hasard est une loi qui voyage incognito (proverbe arabe)

 J’avais dit que je ferai un petit topo sur les obligations de la SNCF, notamment en matière d’horaires, mais surtout de sécurité.

 

codeCivil

Dans les grandes lignes, on peut dire qu’il existe deux types d’obligations :

-          L’obligation de moyens : c’est celle où vous pouvez dire pour vous défendre  « ben oui, mais moi j’ai fait le maximum pour y arriver », et qu’en plus ça marche (si c’est vrai que vous avez fait le max). Pour donner un exemple, c’est celle que supportent les médecins. Un médecin, il n’est pas obligé de vous guérir dès lors qu’il fait le maximum pour vous soigner.

 -          L’obligation de résultats : ben là, c’est le contraire ! Peu importe les moyens que vous avez mis en œuvre pour remplir vos obligations, c’est noir ou blanc. Soit c’est rempli et c’est tout bon, soit c’est tout noir est c’est cuit ! Sauf si vous avez la force majeure (on ne sait pas bien de quel côté de la force « majeure » se situe, mais elle existe !)

 -          La force majeure : ça c’est l’atout dans la manche de celui qui n’a pas rempli son obligation de résultat. S’il prouve qu’il n’a pas rempli sa part du contrat pour cas de force majeur, il s’en sort. Sur le principe, on se dit que c’est trop facile… ouaip sauf que les juges, on ne leur fait pas à l’envers aussi facilement. Ils ne sont pas super souple avec la définition de la force majeure, et ils ont raison. Pour qu’un cas soir de la force majeure, il faut que cela ait été imprévisible, irrésistible et extérieur. En substance, ça signifie que ça ne peut être que le truc qu’on n’avait pas imaginé. Une tempête tropicale en Martinique ou à la Réunion ne sera pas accepté comme force majeure là où on pourra l’admettre à Clermont Ferrand (faut être honnête, la tempête tropicale à Clermont Ferrand…elle est assez imprévisible !). Les juges, ils ne rigolent pas avec ça :

 

En 2008, il y a eu un jugement qui a fini d’entériner le truc : un ado avait ouvert une porte d’un TER qui roulait,  fait des acrobaties sur la barre de maintien extérieure située sur le marchepied (et rendue glissante par la pluie). Il était tombé et s’était tué. La SNCF avait été condamnée à indemniser la famille par la Cour d’Appel d’Amiens. La SNCF s’était pourvue en cassation (pour lui demander de casser cet arrêt de la Cour d’appel), estimant qu’il s’agissait d’un cas de force majeure, et que la victime s’était lui-même exposer au danger. La cour de cassation a rejeté le pourvoi et a rappelé que la faute d’imprudence de la victime, quelle qu’en soit la gravité, ne constituait pas un cas de force majeure.

Ici en l’occurrence, le train datait des années 70, n’avait pas connu de mise aux normes empêchant l’ouverture des portes pendant que le train roulait, était emprunté par des enfants et des adolescents chaque jour, et la SNCF ne pouvait pas dire qu’il était imprévisible que l’un d’eux, tentent un jour d’ouvrir la porte dans ces conditions.

 

Coté SNCF maintenant….

  • Sur les horaires : aussi incroyable que cela puisse paraitre compte tenu de ce que nous visons au quotidien, la SNCF a une obligation de résultat sur la ponctualité !! Si si, j’vous jure ! Je n’en revenais pas quand j’ai lu ça. Et la SNCF se fait condamner sur ce point. Ok… sur le fond, on est est d’accord mais sur la forme :
  • Peu de gens assignent, c’est long, ça coute cher, et ça use. La SNCF a l’assise financière qui lui permet des procédures longues et compliquées, ce qui n’est pas la cas de la majorité des utilisateurs.
  • Ca ne rapporte vraiment pas grand-chose : si, sur le fond, la SNCF se fait condamner, sur la forme, c’est minable. En effet, les tribunaux limitent l’indemnisation au préjudice prévisible par la SNCF. En gros, si vous ratez un avion, si vous loupez LE RDV qui aurait fait votre fortune, si vous ratez LA femme (ou l’homme) de votre vie à cause d’un train en retard, la SNCF ne pouvait pas le savoir d’avance, et donc walou pour récupérer des sous ! Cela étant les choses pourraient évoluer. Une jeune femme lyonnaise a perdu son job à cause de trains en retard tous les jours. Cela a été jugé, on attend le résultat. Mais je ne vois pas comment la SNCF pourra prétendre ignorer que les gens qui prennent le TER tous les jours le font pour se rendre au travail, et que d’arriver en retard tous les jours génère le risque de se faire virer… affaire à suivre.

 

  • Coté sécurité : là, ça se corse. La SNCF est tenue d’une obligation de résultat sur la sécurité de ses voyageurs, sauf à prouver une force majeure. Et pas de demi-mesure, la force majeure est là = la SNCF n’est pas responsable, la force majeure n’est pas là = la SNCF est responsable. Pas de demi responsabilité parce que Monsieur Truc aurait quand même un peu provoqué son cassage de gueule sur les marches avant de se péter la jambe ! La jurisprudence est constante sur ce point.

 

Voilà, maintenant qu’on a dit tous ces trucs un peu chiants qui me rappellent mes premières années de Droit, on peut se demander : pour nous, sardines qui voyageons debout, dans des conditions qui parfois ne permettent même pas de trouver un petit bout de barre auquel se raccrocher… quelle responsabilité de la SNCF en cas de freinage d’urgence ? Quelle responsabilité de la SNCF pour les gens qui se blessent dans les mouvements de foule, des jeunes futures mamans qui finissent à l’hôpital ? Je pense qu’un tribunal condamnerait la SNCF… mais ce n’est qu’une supposition. Parce que personne, après avoir subi ce que nous subissons chaque jour n’a la force ni le courage de s’attaquer à cette grosse machine ! Et comme les actions collectives n’existent pas en France… chacun est isolé dans son coin… Bien que n’adhérant que très peu au système judiciaire américain, je me dis qu’au moins les class action ont ça de bon qu’elles permettent d’avoir un peu de poids face à des sociétés telles que la SNCF.

Tiens, en parlant de femmes enceintes… comme vous le savez surement, il existe des places « réservées ». Dans un train bondé, où il est impossible de circuler et où chaque place devient un bien ultra précieux, je mets au défi n’importe quelle future maman de réussir à s’asseoir. Je rêve du jour où ça sera la Sécu qui assignera la SNCF, pour se faire rembourser des arrêts maladie des futures mamans parce qu’aucune d’elles ne pourra assumer jusqu’au bout, les transports dans ces conditions.

Voilà, voilà, ce n’est pas le plus fun que j’ai rédigé, mais au moins je vous ai épargné textes de loi, jurisprudence, etc… je suis sympa quand même non ?

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Commentaires
J
Merci pour ce résumé! Tout est bon à prendre par les temps qui court....
S
donc on ne peut légalement rien faire?
E
Nan...<br /> <br /> Depuis que je sais que vous n'êtes pas Mariah Carey, je ne commente plus...Terminé... Point.<br /> <br /> Comment ça j'ai jamais commenté vos posts ???<br /> <br /> Ah oui, c'est vrai tient...<br /> <br /> Bon, ben fô qu'j'm'y mette alors à l'occasion ;-p<br /> <br /> Mais là, c'est 2 double ration de vacances :<br /> <br /> 1ère couche : Pas de boulot<br /> <br /> 2ème couche (et pas des moindre) : Pas de train à prendre... C'est CA les vrais vacances ! Plus de p..... de TER Picardie à attraper tant bien que mal...<br /> <br /> Allez ! Bon courage aux galériens du rail... et à très vite sur nos bonnes vieilles lignes SNCF.
P
Excellent article, très clair et très didactique, merci Tagada.<br /> <br /> <br /> <br /> Effectivement, il faut bien être avocat ou pas loin pour oser aller jusqu'au bout :<br /> <br /> <br /> <br /> - la jeune femme lyonnaise licenciée travaillait dans un cabinet d'avocats il me semble<br /> <br /> <br /> <br /> - 12 avril 2011 un avocat obtient gain de cause contre la sncf pour manquement à son devoir d'information car il n'a pu monter à bord de son tgv qui a fermé ses portes 2 mn avant le départ.<br /> <br /> "le tribunal d'instance du XIVème arrondissement de Paris a condamné la SNCF à dédommager l'avocat. Il estime que «le terme demandé ne sous-entend aucune règle impérative, aucune sanction ou interdiction d'accès au train, mais un voeu de la SNCF. [...] En conséquence, la SNCF a manqué à son devoir d'information et engagé sa responsabilité sur les conséquences du refus litigieux»"<br /> <br /> <br /> <br /> - 22 septembre 2010 c'est encore un avocat qui gagne parce qu'il n'a pas pu plaider un procès à cause d'un retard. Illustration parfaite de la démonstration de Tagada :<br /> <br /> "La Cour d'appel de Paris, qui rappelle dans son arrêt «l'obligation contractuelle de la SNCF d'amener les voyageurs à destination selon l'horaire prévu, tant pour les grandes lignes que pour les trains de banlieues», a condamné l'entreprise publique à verser au total 4836,12 euros à son client. Le retard étant dû à une erreur d'aiguillage, la Cour a noté que l'opérateur ferroviaire ne pouvait invoquer le cas de force majeure pour se défausser. La SNCF, qui avait en première instance obtenu gain de cause, a renoncé à se pourvoir en cassation."
A
Un petit texte sur légifrance pour info car effectivement, les procèdures sont longues et couteuses. Cela devient un principe de notre bon droit...<br /> <br /> http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do;jsessionid=120E2286DD8337479BBE8FFB5C688420.tpdjo10v_1&dateTexte=?cidTexte=JORFTEXT000000325199&categorieLien=cid
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